Introduction à ma thèse

Introduction

Motivation, problématique, hypothèse de départ

Ce projet de thèse s’inscrit dans la continuité de mon travail de Master II Recherche, consacré aux notions de fin et de finalité de la cure psychanalytique, pour lequel j’avais choisi d’étudier les œuvres de Sigmund Freud, Sandor Ferenczi et Jacques Lacan.

L’idée principale qui ressortit de ce travail de recherche fut que la castration peut être considérée autrement que comme une impasse de la cure, comme nous le trouvons chez Freud, à savoir comme ce qui se rencontre à la fin d’une psychanalyse. Cela fait référence plus particulièrement à la notion de castration symbolique, développée par Lacan. La fin d’une psychanalyse coïnciderait avec un effet de castration où l’être se reconnaît manquant, ce qui lui permet alors de se réconcilier avec son désir et de jouir d’une autre façon que par la voie symptomatique. Celle-ci a, en effet, pour conséquence notamment le changement du mode de jouissance et la reconnaissance de son désir, soutenu par le manque, induit par la castration.

Cette hypothèse, selon laquelle la castration est acceptée à la fin d’une cure psychanalytique, sera le point de départ de mon travail actuel de thèse.

Or, si l’accession à cette castration symbolique, qui permet la disparition des symptômes et autres voies de souffrance ou de jouissance symptomatique, se trouve à la sortie d’une cure, le désir ne naît pas pour autant à ce moment là. Il devient, disons, « acceptable » à la sortie de la cure. Cela suppose donc que cette castration symbolique, puisque le désir en est la conséquence, quand bien même elle se rencontre à la fin d‘une cure, doit bien avoir lieu avant car le désir est bien là. Sur quoi donc se règle le désir s’il ne se règle pas sur la castration symbolique ? Si le primat du phallus, qui donne toute sa signification au complexe de castration, devient l’organisateur central de la vie psychique pour les deux sexes, de quelle castration s’agit-il ? Qui en est le sujet ?

Le rapport à la castration est nécessaire à l’éclosion du désir mais ce désir fait horreur au sujet qui s’en défend, ainsi surgit la névrose. La castration joue ainsi un rôle fondamental à la fois dans la formation du symptôme et dans sa résolution, ou plus exactement le rapport intime qu’entretient l’être avec cette castration, qu’elle soit assumée, refusée, déniée, forclose.

L’enjeu de cette thèse est d’expliciter le plus rigoureusement possible comment la cure psychanalytique permet de modifier le rapport de l’être à la castration et lui apporter une issue possible à ces souffrances. Nous pourrions dire que la castration est à la fois la source et la clé du problème. Mais comment la castration peut-elle d’une part être source du désir et organisatrice de la vie psychique et d’autre part ne se rencontrer véritablement qu’à la sortie d’une cure ?

Je souhaite donc confronter ces deux propositions :

• la castration (symbolique) survient en fin de cure et permet à l’être de jouir paisiblement de son existence
• la castration est à l’origine du désir et organisatrice de la vie psychique

Sur quoi s’appuie donc le désir tant qu’il ne s’arrime pas à la castration ? Quelles conséquences pour le sujet ? Comment s’articulent ces notions de castration, désir, symptômes et jouissance ? Y a-t-il un au-delà du roc de la castration ?

Autant de questions que je souhaite examiner tout au long de ce travail de recherche. Il s’agira avant tout de faire une étude la plus exhaustive du concept de la castration à travers la littérature psychanalytique mais aussi de la clinique psychanalytique d’hier et d’aujourd’hui.

Le travail théorique sera principalement axé autour de l’étude minutieuse de trois auteurs fondamentaux, Sigmund Freud, Jacques Lacan et Pierre Fédida. Et de leurs contemporains. L’étude minutieuse de la pensée freudienne nous permettra de définir la castration telle qu’elle fut élaborée par le père de la psychanalyse et d’analyser en quoi, pour Freud, elle représente une butée, une limite indépassable dans la cure. Il s’agira de rappeler l’ensemble des positions de Freud lui-même en ce qui concerne le complexe de castration et le restituer dans le cheminement même de sa pensée. Cela nous conduira inévitablement à réexaminer la problématique du complexe de castration, indissolublement lié au complexe d’Œdipe. Il s’agira aussi d’approfondir la place et la fonction des fantasmes et angoisses de castration dans l’ensemble du développement et du fonctionnement psychique et de situer certains développements ultérieurs de la pensée psychanalytique dans ce domaine.

Ce qui nous conduira au « retour à Freud » de Jacques Lacan et à repérer comment la théorie lacanienne reprend et affine la notion de castration jusqu’à en faire l’axe central autour de quoi opère la cure psychanalytique. Lacan nous apprendra à dépasser les impasses freudiennes et à articuler la castration à d’autres concepts majeurs de la théorie psychanalytique que sont la jouissance, la métaphore paternelle ou encore le désir. Il nous éclairera également en ce qui concerne la question des psychoses.

Par ailleurs, un éclairage nouveau sera apporté par l’étude de l’œuvre de Pierre Fédida qui, tout au long de son œuvre, avec des termes et référentiels différents, va revisiter la castration et accorder une importance cruciale à la position du psychanalyste. A travers les concepts d’absence, de négation, de corps du vide, sa pensée sera précieuse pour étudier plus encore l’incidence de la castration sur la vie psychique, la formation du symptôme et la conduite de la cure. Ce sera aussi l’occasion d’aborder la technique psychanalytique et la position du psychanalyste à partir de l’idée qu’il défend que la situation analytique a fonction d’instaurer la castration.

Ce travail théorique sera articulé ensuite à un travail clinique grâce au recueil de donnée de ma pratique en cabinet libéral avec des cures psychanalytiques d’adultes. La finalité sera d’interroger tout particulièrement l’importance du rôle de la castration aussi bien dans la formation du symptôme, que dans sa résolution, ce qui nous renverra à étudier la notion de guérison en psychanalyse et de fin de cure.