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"Je recherche un miroir"

Julie Mortimore
02-07-2020
 
« Je recherche un miroir »
 
Ce matin, à ma consultation quotidienne, un patient évoquait une situation, grave, dans laquelle il s’est mise, et m’indiquait ceci :

« Je demande aux autres de me parler, de me dire.
- Pour quelle raison cette demande ?
- Je recherche un miroir. »

Dans la suite de l’enseignement de Jacques Lacan, affiné par Fernando de Amorim, cet homme, qui vient tout juste de débuter sa psychothérapie, nous signale sa recherche d'un petit autre (avec un a minuscule), à savoir son semblable. Ceci, afin que la réponse, l’éclairage, voire la vérité, vienne de la bouche de quelqu’un d’autre. Il recherche « un miroir ». Un miroir ne reflète rien d’autre qu’une image. Et en aucun cas l’être ne saurait se résumer à son image. L’image suffit à celui qui, de lui-même, ne veut rien savoir. Nous le savons, la psychanalyse nous l’a enseigné, cette image est l’affaire du Moi. Lacan et le stade du miroir nous ont éclairé sur ce qu’il en est de l’aliénation de l’être à son image. Le Moi est par structure aliéné. Néanmoins, l’être n’est pas obligé de s’y leurrer ni de réduire l’entièreté de son être à son Moi. Le Moi n’est qu’une partie de l’appareil psychique, aussi puissante soit-elle. Pour dégonfler cette puissance, puissance de l’imaginaire, l’être peut compter avec la psychanalyse et sa méthode, spécifique et unique, de l’association libre.

C’est grâce à elle, la méthode psychanalytique, s’il concède à lui obéir strictement, que l’être pourra effectuer une traversée psychanalytique par laquelle se rencontre cette Autre partie en lui-même qui le parle, le nourrit et l'aidera à grandir, nommée par Jacques Lacan « grand Autre » (avec un A majuscule), lieu du langage, « trésor du signifiant »[1].

Le clinicien, de par sa position transférentielle de psychothérapeute, sera mis, par celui qui souffre, en position de sujet supposé savoir, duquel sera espéré une réponse, un remède, à ses tourments. C’est une conséquence du transfert, outil précieux de la cure à condition que le clinicien ne tombe pas dans la « relation imaginaire a – a’ »[2].

L’entrée en psychanalyse est la conséquence même d’un retournement dialectique de l’être vers ce lieu symbolique, en lui-même, à partir duquel il pourra piocher les signifiants pour répondre aux questions et énigmes qui l’animent et ce, afin de construire un savoir sur son désir. Porté par un désir décidé, il pourra parvenir à construire symboliquement, séance après séance, ce bout de savoir sur lui-même et sur le Réel. C’est une construction symbolique.

La sortie de psychanalyse signe la reconnaissance véritable de ce lieu, son grand Autre barré, porteur de castration et chute de l'objet a, objet cause de désir, avec lequel l’être pourra compter pour apprendre à dire, apprendre à aimer, apprendre à travailler, apprendre à exister. Vivre ne suppose pas, encore, s’incarner dans son existence. C’est une construction.

À partir de cette traversée, l’être pourra compter sur son désir, et seulement lui, pour se tirer vers le haut. Il n’aura plus besoin de faire appel à un père grondeur, père qui tire vers le haut, père qui signale ce qui déconne – position que peut occuper, dans son imaginaire, un conjoint, un patron ou le psychanalyste lui-même –. Une fois cette rencontre réalisée, l’être, de lui-même, parvient à entendre, par lui-même, ce que lui signale son grand Autre barré. La voie à suivre est par là. S’il parvient à l’entendre, c’est que le grand Autre barré a suffisamment traversé le champ du Moi, voire le Moi lui-même.
Le psychanalyste n’est alors plus utilisé dans cet appel infantile. L’être, devenu sujet, est responsable.
Ce patient fait encore appel aux petits autres, rien d‘étonnant, il débute à peine sa psychothérapie. Laissons-le voguer vers des eaux jamais encore sillonnées.

 

[1] Lacan, J. (1957-58). Le séminaire, livre V. Les formations de l’inconscient, Paris, Seuil, 1998, p. 148.

[2] Relation théorisée par F. de Amorim et illustrée dans sa Cartographie.

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