/
/
  1. Accueil
  2. Ecrits & Publications
  3. Françoise Dolto - Fiche de lecture "L'image inconsciente du corps"
Retour

Françoise Dolto - Fiche de lecture "L'image inconsciente du corps"

 Je ressors de cette lecture assez stupéfaite de la masse d’informations et de connaissances cliniques de Dolto. Ma lecture fut laborieuse à certains moments mais également très plaisantes à d’autres et je retiens beaucoup de moments de surprise de ma part devant de tels données et exemples cliniques de l’auteur. C’est une mine d’enseignement à la fois d’un point de vue théorique et clinique, mis également d’un point éducatif pour les mères ou futures mères. A beaucoup d’endroits, je trouve Dolto saisissante, brillante, et vivifiante.

Je vais retranscrire ce qui a particulièrement attiré mon attention mais je retiens principalement trois enseignements :

  • que l’enfant soit reconnu comme sujet, sujet de désir, auquel nous devons parler et non pas dresser
  • l’importance que Dolto donne à la parole de la mère auprès de l’enfant, essentielle et selon elle insuffisante en cas de symptôme de l’enfant
  • la vérité que les parents doivent à l’enfant concernant l’union sexuelle, à savoir lui indiquer le rôle et la responsabilité du père et de la mère dans la fécondité.

 

Je retiens aussi la distinction entre trois types de narcissismes que nous livre Dolto : narcissisme primordial (résultat de la castration ombilicale) où l’enfant découvre son autonomie, narcissisme primaire (résultat du stade du miroir) où l’enfant découvre son visage et un corps sexué, narcissisme secondaire (résultat de la prohibition de l’inceste) où l’enfant est responsable de ses désirs.

 

Dès le début de l’ouvrage, je retiens ceci pour la clinique que les propositions de compositions lors d’une séance clinique (dessin, modelage etc.) permettent de repérer les différentes instances psychiques théorisées par Freud : ça, moi, surmoi. De la même manière avec l’adulte grâce à l’association libre des pensées et des rêves, ce sont de « véritables fantasmes représentés d’où sont décodables les structures de l’inconscient » (p. 7) et « l’énergie qui se trouve mise en jeu dans les scénarios imaginaires que sont ces dessins ou ces modelages n’est rien d’autre que la libido qui s’exprime par son corps soit passivement, soit activement, passivement dans son équilibre psychique, activement dans sa relation aux autres. » (p. 12).

J’ai été stupéfaite de la séquence clinique décrite par Dolto concernant cet adolescent qui avait fait un modelage en poterie et qui, lors d’une séance avec sa mère et Dolto, prenait le doigt de sa mère et lui faisait caresser ce modelage, sans qu’aucun des deux ne s’en rendent compte ! C’est une illustration précieuse de comment l’observation du psychanalyste, autant que l’écoute, est nécessaire pour que puisse se dire et advenir le conflit refoulé en jeu. J’ai aussi retenu, concernant l’écoute, l’importance de savoir écouter l’enfant dans ce qu’il dit à l’âge où il le dit, c’est-à-dire comprendre le langage de l’enfant à l’âge qu’il a et non comme l’adulte l’entend (exemple du « mal à la tête » qui renvoie aux règles de la mère).

Quel bonheur de lire toutes ces indications qui nous enseigne à ne pas plaquer un savoir ou une pensée d’adulte sur l’enfant, que ce soit dans la clinique ou dans la vie d’ailleurs.

Concernant la technique avec les enfants, Dolto souligne également qu’il ne s’agit pas de jouer avec l’enfant ni de participer au jeu pour ne pas érotiser la relation. Il ne s’agit pas non plus de « réparation ». Il s’agit d’une mise en mots, à partir de « communication muette » que sont dessins et modelages.

Je note d’ailleurs la remarque de Dolto selon laquelle un psychanalyste d’enfants doit avant tout être un psychanalyste d’adultes notamment dans les nombreuses situations où ce sont les parents qui, par leurs symptômes, engendrent un « syndrome réactionnel » chez l’enfant. D’où l’importance de recevoir les parents, ensemble ou séparément des séances avec l’enfant.

Je trouve que ce terme « syndrome réactionnel » est ainsi bien adéquat : l’enfant n’a pas de symptôme à proprement parler mais réagit aux symptômes de ses parents. Dolto écrit même « le symptôme comme équivalent de langage destiné au parent » (p. 243). Je trouve cela très bien formulé.

 

 

Distinction de l’image du corps et du schéma corporel

Le schéma corporel peut être perturbé par des images pathogènes du corps, « inappropriée, archaïque ou incestueuse » (p. 17). Le schéma corporel est à peu près le même pour tous, il désigne « l’individu en tant que représentant de l’espèce ». Il est inconscient, préconscient, et conscient.

L’image du corps, elle, est propre à chacun et est inconsciente. Elle peut devenir préconsciente quand elle s’associe au langage conscient. Elle est « la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles » (p. 22) et « l’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant » car « le sujet inconscient désirant en relation au corps existe dès la conception ».

Si le schéma corporel, indépendant du langage, « réfère le corps actuel dans l’espace à l’expérience immédiate », l’image du corps « réfère le sujet du désir à son jouir, médiatisé par le langage mémorisé de la communication entre sujets » (p. 23)

 

Pour Dolto, le divan est ce qui permet, par la position allongée, de neutraliser le schéma corporel et de déployer l’image du corps.

 

J’ai été surprise de lire que les pulsions de morts ne sont pas le désir de mourir mais de se reposer (p. 34). Nous avons vite l’habitude de dire, je trouve, que la pulsion de mort veut dire l’envie de mourir, or ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Qu’en pensez-vous ?

Dolto écrit que les pulsions de mort « incite le sujet à se retirer de toute image érogène ». Peut-on les considérer comme une absence de désir ?

 

Plus loin, Dolto souligne les discordances entre fantasmes et réalité et indique que la psychanalyse opère justement sur l’effet pathogène qu’induit cette discordance. Je trouve cela tout à fait juste dans la clinique avec les adultes. Régulièrement il s’agit de faire un deuil d’un contenu fantasmatique qui ne lâche pas, l’être ne voulant pas l’accorder à la réalité effective qui le frustre.

 

Concernant le suçage du pouce, je n’avais pas à l’esprit que ce symptôme apparaît dès lors que la mère disparait trop rapidement après la satisfaction du besoin. Le suçage apparaît à des enfants à qui «  « on ne fait pas la conversation » » après le biberon. Je trouve ça lumineux. Il me semble saisir que le manque (imaginaire) se construit là où le symbolique fait défaut.

De même, Dolto indique que les enfants qui ont assez de paroles d’amour n’ont pas besoin d‘objets transitionnels ou font avec des objets transitionnels sonores, stocks de paroles vocalisées.

 

Les castrations

Dolto évoque la castration, ou plutôt les castrations, multiples, propres à chaque stade libidinale, qui permettent « la symbolisation et (…) à modeler l’image du corps dans l’histoire de ses réélaborations successives » (p. 71).

La castration orale (le sevrage) permet à l’enfant l’accès au langage et ainsi de ne pas être en seule relation à la mère.

La castration anale permet l’indépendance de l’enfant vis-à-vis de la mère et d’acquérir l’autonomie et l’accès à la vie sociale grâce à la maîtrise de la motricité.

J’ai noté avec soin ce que nous append Dolto quant au fait que le parent se doit de préserver ce qui est appartient à l‘enfant, ce qui est son bien, et de ne pas s’en accorder maître (comme les parents qui jettent les jouets cassés des enfants). L’accès à la propriété passe par ce respect là. Aussi, Dolto dénonce quelque peu l’exagération faite quant au « caca-cadeau ». Il n’y a pas à s’extasier mais à encourager l’enfant dans toutes ses acquisitions.

La castration œdipienne est « donnée » par la verbalisation de l’interdit de l’inceste et l’assurance pour l’enfant que ces tentatives de séduction sont sans effet sur le parent adulte. D’où l’importance de la castration des parents eux-mêmes. C’est indispensable pour que l’enfant cesse de vouloir plaire à tout prix à ses parents.

J’ai été interpellé par cette façon de dire, tout à fait intéressante, de castration « donnée » et « reçue ». Je ne l’avais jamais entendu ainsi.

 

Dolto résume ainsi les « fruits de la castration » : « c’est le sort fait aux pulsions qui ne peuvent pas se satisfaire directement dans la satisfaction du corps à corps, ou la satisfaction du corps avec des objets incestueux » (p. 76). Bref, c’est le renoncement à la satisfaction immédiate des pulsions. Je trouve que nous retrouvons ce raté dans chaque symptôme qui n’est qu’un déplacement de cette volonté impérieuse de satisfaction libidinale par défaut de castration.

 

Insistant sur le terme « symboligène », Dolto nous livre cette définition efficace de la castration : « processus qui s’accomplit chez un être humain lorsqu’un autre être humain lui signifie que l’accomplissement de son désir, sous la forme qu’il voudrait lui donner, est interdit par la Loi » (p. 78). Et d’ajouter que cet interdit « passe par le langage, que celui-ci soit gestuel, mimique ou verbal ».

Le complexe de castration renvoie alors à la confusion entre « l’épreuve à subir et ce risque imaginaire de mutilation ».

Dolto indique ensuite que la castration peut aboutir à une sublimation, une perversion ou un refoulement névrotique. Je n’avais pas non plus à l’esprit aussi clairement que c’est la castration qui permet la sublimation, ce qui est pourtant tout à fait évident. Les deux termes ne sont pas équivalents, mais la castration est la condition de la sublimation.

Je trouve très pertinent ce que Dolto souligne quant au fait qu’il y a un temps « juste » pour chaque castration, un temps où l’enfant est capable de la supporter : « ce moment, c’est celui où déjà les pulsions, celles qui sont en cours, ont apporté un certain développement du schéma corporel qui rend l’enfant capable d’aménager ses plaisirs autrement que dans la satisfaction du total corps à corps, lequel n’est plus absolument nécessaire à ce spécimen de l’espèce humaine que représente l’organisme corps, pour qu’il survive en tant qu’être de besoin. Reste que, à cet organisme qui fait de l’enfant un être de besoin, est associé un sujet de désir » (p. 86).

 

L’autre condition pour assumer ces castrations et la qualité de l’adulte qui viendra la donner qui doit aimer cet enfant et supporter lui-même sa castration, à savoir notamment ne pas jouir de la présence de son enfant pour lui-même.

 

Dolto nous rappelle ô combien c’est cette « barre bien mise par le père et la mère sur le désir de leur fils ou de leur fille en tant qu’incestueux, qui libère les énergies libidinales de l’enfant pour sa vie hors de la famille » (p. 205). J’ajouterai la barre mise aussi par le parent à l’autre parent, en entraide, face aux tentatives de séduction de l’enfant.

 

J’ai appris également ceci que la mère, pour Dolto, est autant symbole de la mort que de la vie. Pour l’inconscient, la femme est représentante de la mort (p. 224) du fait que c’est d’elle qu’adviennent « les jouissances qui font oublier son corps au sujet et son être à l’enfant ».

 

 

Une remarque me vient aussi à la fin de cet ouvrage, qui rejoint le sentiment que nous partagions au groupe précédent, Dolto peut sembler en position de maître à maintes reprises. Plus exactement, mon impression est que Dolto est en ligne directe avec le style freudien, à savoir que la technique psychanalytique sert à faire ressortir des fantasmes et conflits inconscients refoulés que le psychanalyste se doit d’interpréter et de mettre en mot pour l’enfant. Or Lacan nous a plutôt légué une technique de la psychanalyse au service d’un dialogue entre le psychanalysant et son grand Autre qui lui permet d’interpréter.

Il y a plusieurs exemples cliniques où c’est elle qui interprète, bien qu’elle pose toujours avant des questions à l’enfant pour que ce soit lui qui mettent en mot. Mais il y a toujours une interprétation, à l’enfant ou au parent qui est donnée. Je me demande si la clinique avec des enfants « oblige » à cela. Qu’en pensez-vous ?

Me contacter
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires
À découvrir
Faire une psychanalyse à Paris 10è
En savoir plus +

Brève 04-06-2020 - Un savoir qui n'est pas du semblant

Julie MortimoreJeudi 04-06-2020Un savoir qui n'est pas du semblant Cette brève m’est inspirée d’une séance de ce mati...
En savoir plus
Consulter un analyste proche gare du Nord à Paris
En savoir plus +

Liste de mes publications en psychanalyse

Travaux et publications de Julie Billouin  2022 « Devenir mère : vie, deuils et renouveau. Construire sa ma...
En savoir plus
cherche un psychanalyste à Paris 10
En savoir plus +

Conclusion du XXXIIè colloque du RPH : Julie Billouin

">Conclusion du XXXIIè colloque du RPH : Julie Mortimore
En savoir plus
Écrire à Julie Billouin
create Me contacter