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Un petit détour par Freud

Un petit détour par Freud à présent.

 

Cette question du transfert m’est revenue à l’esprit aussi en lisant récemment le Journal clinique[1] de Freud à propos du cas de l’Homme aux rats. Dans ce texte, plutôt fastidieux à lire, j’ai trouvé quand même quelques perles. Déjà, vous rappeliez-vous de comment Freud envisageait le transfert à ses débuts ? Le transfert ne concernait pas la globalité de la relation thérapeutique. Il y avait « des transferts », au coup par coup, selon les remémorations, reviviscences du patient. Freud pouvait dire, « les transferts dans la cure diminuent beaucoup »[2]. Ou bien que le patient lui communiquait « un transfert »[3]. Freud l’envisageait davantage comme une manifestation passagère, contingente. Cela me renvoie à ma question de départ, l’Œdipe, et même le transfert, se règlent-ils définitivement ? Est-ce que ça se règle ? Est-ce que ça se traverse ? Est-ce que ça se transforme ? Force est de constater qu’ils peuvent, le long d’une vie, trouver à se représenter. Le rapport que l’être entretient par contre avec ce qui relève de la structure de l’inconscient peut se modifier. La structure de l’inconscient justement, Freud l’évoque aussi dans ce journal lorsqu’il écrit que son patient a découvert « un caractère principal de l’inconscient, l’INFANTILE »[4]. Je me suis demandée finalement, si c’est le caractère principal de l’inconscient, et que l’inconscient en plus ne connait pas le temps, mais qu’en est-il de cet infantile après des années de psychanalyse, et après une sortie de psychanalyse ? C’est-à-dire dans le parcours d’une cure et après la traversée du fantasme. Cela met-il fin à cet infantile ? Ou bien l’inconscient reste-t-il infantile ? Cet inconscient qui ne connaît pas le temps, et pourtant, les désirs évoluent globalement avec notre âge. Par exemple, devenu adulte, nous n’avons plus d’attirance sexuelle pour un enfant, alors qu’enfant nous tombions amoureux de nos camarades de notre âge. Nous ne jouons plus comme un enfant, nous ne lisons plus le monde de la même façon. Ce n’est pas juste l’objet du désir qui change, le désir en lui-même évolue, s’affine, se tempère, s’oriente différemment. Pouvons-nous alors vraiment dire que l’inconscient ne bouge pas, ne grandit pas, ne vieillit pas ? Il est néanmoins évident, nos consultations en témoignent chaque jour, de constater la puérilité de certains comportements, réactions, façons de vivre de certains adultes. L’infantile est partout. Qui a traversé une psychanalyse sait à quel point il aura eu à s’en déprendre. Et il est d’ailleurs possible de constater qu’au fur et à mesure d’une psychanalyse, le désir et l’âge vont se conjoindre, de même, j’ai remarqué, que va se rejoindre ce qui, au début du travail analytique, est presque aux antipodes : à savoir la concordance entre ce que je veux et ce que je désire.

 

Alors, le transfert, c’est quoi le transfert ? Une relation imaginaire avec un autre (petit autre) ? Un Autre (grand Autre, barré ou non) ? Un sujet supposé savoir ? Le transfert n’a pas le monopole d’une relation contaminée par l’Imaginaire. Quelle relation ne l’est pas ?

 

Dans le transfert psychanalytique, il y a d’abord cette spécificité du sujet supposé savoir. J’ai été assez étonnée de ne trouver aucune définition du sujet supposé savoir dans les quatre ou cinq dictionnaires de psychanalyse que je consulte fréquemment. Pourtant, la cure opère radicalement sur cette croyance que l’Autre sait pour moi. Je pense même que l’être commence un véritable travail analytique, au sens d’une subjectivation, à partir du moment où chute la croyance en un sujet supposé savoir et qu’il découvre en lui-même un lieu Autre, à partir duquel ce savoir il va pouvoir le construire lui-même. Le transfert finalement il change d’objet, il change de forme tout au long d’une psychanalyse. Il se réduit presque à peau de chagrin. D’abord, il y a la recherche du sujet supposé savoir, qui rate toujours. Il y a ensuite la répétition œdipienne à laquelle se prête la relation transférentielle, dans son versant imaginaire. Cet Imaginaire, il va pouvoir trouver à se manifester, grâce au transfert, à s’interpréter par les associations libres du patient et le désir du psychanalyste, et puis finalement, ce lien imaginaire aussi il va chuter. Alors finalement, que reste-t-il, de cet amour, transférentiel ? Il se trouve réduit, comme je le disais, à presque rien, au presque rien qu’incarne le psychanalyste. Lui, sa personne, est évacué peu à peu du champ opératoire, ne reste que sa fonction – celle d’Autre barré (A) – et sa position – celle de semblant d’objet petit a. Il y a transfert au lieu du savoir, qui passe de la figure du psychanalyste à un lieu intime de savoir, en soi-même, par la fonction même du langage. N’est-ce pas finalement cela qui reste du transfert ? Un désir de savoir. N’est-ce pas aussi ce qui nous lie, psychanalystes, dans des espaces tels que ce soir ?

 

 

[1] Freud, S. (1907-08). L’homme aux rats : Journal d’une analyse, Paris, PUF, 2000.

[2] Ibid., p. 187.

[3] Ibid., p. 163.

[4] Ibid., p. 71.

 

Cette question du transfert m’est revenue à l’esprit aussi en lisant récemment le Journal clinique[1] de Freud à propos du cas de l’Homme aux rats. Dans ce texte, plutôt fastidieux à lire, j’ai trouvé quand même quelques perles. Déjà, vous rappeliez-vous de comment Freud envisageait le transfert à ses débuts ? Le transfert ne concernait pas la globalité de la relation thérapeutique. Il y avait « des transferts », au coup par coup, selon les remémorations, reviviscences du patient. Freud pouvait dire, « les transferts dans la cure diminuent beaucoup »[2]. Ou bien que le patient lui communiquait « un transfert »[3]. Freud l’envisageait davantage comme une manifestation passagère, contingente. Cela me renvoie à ma question de départ, l’Œdipe, et même le transfert, se règlent-ils définitivement ? Est-ce que ça se règle ? Est-ce que ça se traverse ? Est-ce que ça se transforme ? Force est de constater qu’ils peuvent, le long d’une vie, trouver à se représenter. Le rapport que l’être entretient par contre avec ce qui relève de la structure de l’inconscient peut se modifier. La structure de l’inconscient justement, Freud l’évoque aussi dans ce journal lorsqu’il écrit que son patient a découvert « un caractère principal de l’inconscient, l’INFANTILE »[4]. Je me suis demandée finalement, si c’est le caractère principal de l’inconscient, et que l’inconscient en plus ne connait pas le temps, mais qu’en est-il de cet infantile après des années de psychanalyse, et après une sortie de psychanalyse ? C’est-à-dire dans le parcours d’une cure et après la traversée du fantasme. Cela met-il fin à cet infantile ? Ou bien l’inconscient reste-t-il infantile ? Cet inconscient qui ne connaît pas le temps, et pourtant, les désirs évoluent globalement avec notre âge. Par exemple, devenu adulte, nous n’avons plus d’attirance sexuelle pour un enfant, alors qu’enfant nous tombions amoureux de nos camarades de notre âge. Nous ne jouons plus comme un enfant, nous ne lisons plus le monde de la même façon. Ce n’est pas juste l’objet du désir qui change, le désir en lui-même évolue, s’affine, se tempère, s’oriente différemment. Pouvons-nous alors vraiment dire que l’inconscient ne bouge pas, ne grandit pas, ne vieillit pas ? Il est néanmoins évident, nos consultations en témoignent chaque jour, de constater la puérilité de certains comportements, réactions, façons de vivre de certains adultes. L’infantile est partout. Qui a traversé une psychanalyse sait à quel point il aura eu à s’en déprendre. Et il est d’ailleurs possible de constater qu’au fur et à mesure d’une psychanalyse, le désir et l’âge vont se conjoindre, de même, j’ai remarqué, que va se rejoindre ce qui, au début du travail analytique, est presque aux antipodes : à savoir la concordance entre ce que je veux et ce que je désire.

 

Alors, le transfert, c’est quoi le transfert ? Une relation imaginaire avec un autre (petit autre) ? Un Autre (grand Autre, barré ou non) ? Un sujet supposé savoir ? Le transfert n’a pas le monopole d’une relation contaminée par l’Imaginaire. Quelle relation ne l’est pas ?

 

Dans le transfert psychanalytique, il y a d’abord cette spécificité du sujet supposé savoir. J’ai été assez étonnée de ne trouver aucune définition du sujet supposé savoir dans les quatre ou cinq dictionnaires de psychanalyse que je consulte fréquemment. Pourtant, la cure opère radicalement sur cette croyance que l’Autre sait pour moi. Je pense même que l’être commence un véritable travail analytique, au sens d’une subjectivation, à partir du moment où chute la croyance en un sujet supposé savoir et qu’il découvre en lui-même un lieu Autre, à partir duquel ce savoir il va pouvoir le construire lui-même. Le transfert finalement il change d’objet, il change de forme tout au long d’une psychanalyse. Il se réduit presque à peau de chagrin. D’abord, il y a la recherche du sujet supposé savoir, qui rate toujours. Il y a ensuite la répétition œdipienne à laquelle se prête la relation transférentielle, dans son versant imaginaire. Cet Imaginaire, il va pouvoir trouver à se manifester, grâce au transfert, à s’interpréter par les associations libres du patient et le désir du psychanalyste, et puis finalement, ce lien imaginaire aussi il va chuter. Alors finalement, que reste-t-il, de cet amour, transférentiel ? Il se trouve réduit, comme je le disais, à presque rien, au presque rien qu’incarne le psychanalyste. Lui, sa personne, est évacué peu à peu du champ opératoire, ne reste que sa fonction – celle d’Autre barré (A) – et sa position – celle de semblant d’objet petit a. Il y a transfert au lieu du savoir, qui passe de la figure du psychanalyste à un lieu intime de savoir, en soi-même, par la fonction même du langage. N’est-ce pas finalement cela qui reste du transfert ? Un désir de savoir. N’est-ce pas aussi ce qui nous lie, psychanalystes, dans des espaces tels que ce soir ?

 

 

[1] Freud, S. (1907-08). L’homme aux rats : Journal d’une analyse, Paris, PUF, 2000.

[2] Ibid., p. 187.

[3] Ibid., p. 163.

[4] Ibid., p. 71.

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