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Ouverture du XXIIIème colloque du RPH : La sexualité infantile

Ouverture du XXIIIème colloque du RPH :  La sexualité infantile

 

Bonjour à tous ! Nous sommes ravis de vous accueillir aujourd’hui pour ce XXIIIème colloque du RPH, école de psychanalyse à Paris. Comme pour nos précédents colloques qui étaient inscrits dans un cycle d’étude général, celui de la nosographie psychanalytique névrose, psychose, perversion, nous avons souhaité renouveler cette expérience réussie de consacrer plusieurs colloques à une thématique, que nous pourrions détailler au fur et à mesure des colloques. Ainsi nous avons opté à l’unanimité et avec beaucoup d'enthousiasme pour le thème de la sexualité en psychanalyse. Et nous commençons aujourd’hui par la sexualité infantile.

 

Alors la sexualité infantile renvoie bien évidemment aux thèses de S. Freud, père de la psychanalyse, qui en parla pour la première fois sous ces termes-là. Je souhaiterais dans cette ouverture faire une rapide rétrospective de sa pensée.

 

Car en effet, Freud a affirmé, malgré l’ignorance ou les résistances de l’époque, qu’il existait une sexualité infantile. Et pourtant, Freud n’a pas inventé la sexualité infantile. De même que l’inconscient, elle existait bien avant Freud. On peut lire à ce propos des ouvrages qui décrivent ces activités sexuelles de l'enfant (œuvre de Rabelais ou le journal d’Hérouard1). Mais Freud en a découvert le caractère fondamental, organisateur et dynamique. Il lui a donné un rôle majeur dans le développement de la vie sexuelle et psychique ultérieure.

 

En 1905, il écrit et publie « Les trois essais sur la théorie sexuelle » qui restera un de ses ouvrages fondamental et dans lequel il affirmera clairement sa thèse d’une vie sexuelle infantile et de son importance dans le devenir de l'adulte. Dans cet ouvrage, il fait remarquer, « j’ai souligné dès 1896 l'importance des années d’enfance pour l’apparition de certains phénomènes importants dépendant de la vie sexuée et je n’ai cessé depuis de mettre au premier plan le facteur infantile pour la sexualité2 ». En effet, en 1895, S. Freud pose déjà l’hypothèse d’une étiologie sexuelle dans la formation des névroses, du fait de l’accumulation de l’« excitation sexuelle somatique3 ». En 1898, dans son article « La sexualité dans l’étiologie des névroses », S. Freud met à nouveau l’accent sur l’action après-coup des expériences sexuelles vécues à l’âge d'enfant. Il signe alors la fin d'une vision idéale de l’enfance où régnerait innocence et vie asexuée.

 

Mais que désignait Freud par sexualité infantile?

 

En 1916, dans Introduction à la Psychanalyse, il précise qu'il "qualifie de sexuelles les activités douteuses et indéfinissables de la première enfance ayant le plaisir pour objectif4." Selon Freud, la sexualité s'étaye sur la satisfaction des besoins vitaux mais s’en sépare plus tard et la dépasse largement. L'être cherche à répéter une satisfaction sexuelle devenue indépendante des besoins organiques dans un but de plaisir. Ce plaisir lié à cette sexualité est donc irréductible à l'assouvissement d'un besoin physiologique. L'image la plus parlante pour cela est la succion du bébé qui continue de téter le sein de sa mère non plus dans le but de satisfaire un besoin physiologique, la faim, mais bien par excitation sexuelle. Il est donc très important de comprendre que la sexualité au sens psychanalytique ne se résume pas à la sexualité génitale telle qu'on peut l'entendre dans une sexualité adulte normale. La notion de sexualité est ici bien plus large.

 

En 1925, dans son Autoprésentation, Freud précisera cette notion de sexualité en soulignant le fait que « premièrement la sexualité est détachée de ses relations trop étroites aux organes génitaux et elle est posée comme une fonction du corps plus englobante, tendant au plaisir, qui n'netre que secodnairement au service de la reproduction ; deuxièmement, sont mises au nombre des motions sexuelles toutes celles qui sont simplement tendres ou amicales, pour lesquelles notre usage de la langue utilise le mot multivoque d'"amour"5". 

 

Mais revenons à cet ouvrage fondamental des Trois essais sur la théorie sexuelle. Freud y suppose que la sexualité est présente d'emblée dans la vie de l'être et qu'elle s'appuie sur trois caractères étroitement liés : l’étayage, les zones érogènes, l’auto-érotisme. L’enfant cherche à éprouver du plaisir sur son propre corps, à partir de zones érogènes qui sont non seulement les parties génitales, mais aussi l'anus, la bouche, la peau, ou encore les yeux. Ainsi, la sexualité infantile, ébauche de la sexualité adulte à venir, est comparable à une sexualité perverse au sens où le primat génital de la sexualité n'a pas lieu et où le but recherché est le plaisir indépendamment de celui de la procréation. Ainsi pour Freud, l'enfant n'est pas seulement un être sexuel, il est aussi un "pervers polymorphe." Cette expression surprendra, et elle choquera, mais on doit reconnaître à son auteur le mérite de l'avoir expliqué et justifié. Dans Introduction à la psychanalyse, il écrira que « la sexualité perverse n'est pas autre chose que la sexualité infantile grossie et décomposée en ses tendances particulières6 ». Et d'ajouter « si l'enfant possède une vie sexuelle, celle-ci ne peut être que de nature perverse attendu que […] il lui manque tout ce qui fait de la sexualité une fonction de procréation7 ». Quant au mot polymorphe, il fait référence aux diverses zones érogènes du corps, susceptible d’excitation et de satisfaction sexuelle.

 

De ces diverses composantes pulsionnelles que sont les zones érogènes, Freud donnera ensuite l’ébauche du développement psychosexuel et distinguera différents stades libidinaux : le stade oral, le stade anal puis le stade génital qu'il renommera par la suite stade phallique car dit-il, « cette phase ne connaît qu'une seule sorte d'organe génital, l’organe masculin8.'' Au cours de cette phase, en effet, l'enfant (garçon ou fille) croit qu'il n'y a qu'un organe génital, c'est-à-dire l'organe mâle. Freud reprendra cette idée lorsqu’il développera ce qu'il nomme la « recherche sexuelle infantile9 » qui renvoie à la curiosité des enfants, dérivée de la pulsion de savoir, quant à la sexualité. Freud repère trois théories sexuelles infantiles : la théorie cloacale de la naissance, la conception sadique du rapport sexuel et celle de la non différence des sexes qui inaugure le complexe de castration et l'envie de pénis.

 

Après une période de latence de quelques années où les motions sexuelles sont réprimées et les puissances intellectuelles édifiées, de nouvelles transformations se produiront à la puberté qui amèneront la vie sexuelle à sa forme définitive. Celle-ci sera désormais caractérisée par le primat des organes génitaux et le but sexuel sera atteint dans un objet sexuel étranger. Ainsi la vie sexuelle normale de l’adulte découle de toutes ces phases du développement sexuel de l’enfant et Freud pose ici le noyau de la théorie psychanalytique. Il bouleverse complètement les représentations quant à la sexualité en affirmant que celle-ci est avant tout une recherche de plaisir et qu'elle ne se réduit donc pas à la reproduction, pas plus qu’aux organes génitaux et à leur fonctionnement. Il démontre aussi qu'elle est pulsionnelle et a donc toujours à faire avec le partiel. Et surtout, il affirme qu'elle est présente d’emblée et qu'en effet, l'enfant a une sexualité propre.

 

Comment Freud a t-il repéré cette sexualité infantile ? Non pas de l'observation pure des enfants qui en diraient pourtant long sur la chose, mais grâce à sa clinique et aux dires de ses patients. Car rappelons le, la psychanalyse n’est que langage, aucune manifestation de la sexualité infantile n’est « observée » par le psychanalyste, elle n’est que dite. Et les observations que l’on pourrait entreprendre sur les enfants ou les bébés n’auraient rien à voir avec ce que l’on peut appeler « psychanalyse ». La sexualité infantile est déduite de l’analyse des adultes, elle est déduite des dires et de l'analyse des symptômes que propose la méthode psychanalytique. C'est grâce à ce traitement inédit que cette période « préhistorique » de l’enfance qui avait été oubliée, refoulée, pourra resurgir et donner un sens aux symptômes de celui qui souffre.

 

Car en effet, et pour finir, Freud n’a pas seulement mis en lumière le développement de la sexualité et de ce fait démontré l’existence d’une sexualité infantile, il a mis en exergue que cette sexualité qui prend sa source dans l’infantile, est la cause majeure des névroses. La psychanalyse nous apprend que les symptômes constituent des accomplissements de désirs sexuels qui se réalisent sous une forme déplacée, par compromis avec la défense. Ces symptômes, gorgés d'imaginaire, sont donc en lien direct avec la sexualité infantile où ils prennent leur racine. Ils sont l'expression même d'un conflit entre la curiosité infantile et les forces du refoulement. Cette sexualité se repère en psychanalyse sous la forme du désir et cela suppose que la satisfaction des désirs dépend des conditions fantasmatiques qui s'enracinent de ce développement psychosexuel de l’enfant. La sexualité infantile représente en effet toute une possibilité de construction psychique qui aura son importance dans la vie ultérieure du sujet et dans la formation des névroses, car à partir de ces croyances et de ce développement psychosexuel se forme tout un ensemble de désirs, de fantasmes, d'identifications, de forces et de contenus latents qui organise un inconscient dont la dynamique court tout au long de la vie.

 

C’est ce que vont très certainement illustrer mes collègues, je leur laisse la parole. Merci.

 

1Foisil M. (1989), Journal de Jean Hérouard, Fayard ( médecin à la cour d’Henri IV qui prit en note l’évolution du jeune enfant Louis XIII)

2Freud S. (1905), « Trois essais sur la théorie sexuelle », in Œuvres complètes Tome VI, Puf, Paris, 2009, p. 111

3Freud S. (1895), « Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminé, en tant que « névrose d’angoisse »», in Œuvres complètes Tome III, Puf, Paris, 1989, p.58

4Freud S. (1916), Introduction à la psychanalyse, Petite bibliothèque Payot 1961, p. 393.

5Freud S. (1925), « Autoprésentation », in Œuvres complètes Tome XVII, Puf, Paris, 1952, p. 85

6Freud S. (1916), Introduction à la psychanalyse, Petite bibliothèque Payot 1961, p. 374-375

7Freud S. (1916), Introduction à la psychanalyse, Petite bibliothèque Payot 1961, p. 381

8Freud S. (1905), « Trois essais sur la théorie sexuelle », in Œuvres complètes Tome VI, Puf, Paris, 2009, p. 136

9Freud S. (1905), « Trois essais sur la théorie sexuelle », in Œuvres complètes Tome VI, Puf, Paris, 2009, p. 130

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