Petite digression quant à la forclusion dite restreinte et celle dite généralisée
En lisant notamment J-C Maleval, je me suis aperçue d’une confusion fréquente quant à ce que nous considérons hâtivement comme la forclusion, dont la psychose serait seule concernée. En fait, il faut préciser qu’il existe une forclusion généralisée qui résulte d’un « trou dans le Symbolique qui signale son incomplétude même »[1], qui concerne tout un chacun, et une forclusion restreinte, celle qui concerne la psychose et le signifiant du Nom-du-Père
La tentative freudienne de formuler la « mise à distance d’une réalité intolérable »[2], nous naviguons entre Verleugnung (déni) et Verwerfung (rejet) et Verneinung (dénégation). Maleval précise les deux formes de dénégations (Verneinung) à l’œuvre : celle tardive, « au service du refoulement et des méconnaissances du moi »[3] ; celle « inhérente à la Bejahung primaire qui instaure le refoulement originaire et participe à la structuration du sujet »[4]. Une confusion s’est ainsi dégagée ensuite entre la Verwerfung et la forclusion, toutes-deux désignant le rejet d’un signifiant primordial. Le refoulement originaire porte ainsi sur un « signifiant primordial propre à représenter la chose perdue »[5] et donc, concerne tout un chacun. Maleval ose alors la question : « ne serait-on pas en droit de supposer que c’est la carence du rejet du signifiant primordial qui devrait être génératrice de la psychose ? »[6], autrement dit la carence du refoulement originaire? Lacan avançant la thèse selon laquelle la loi de l’homme est celle du langage, impliquant l’interdit de l’inceste, la castration et la perte irrécupérable fondatrice du désir, cette loi exige une « séparation du sujet à l’égard de l’objet de sa satisfaction initiale »[7]. La Verwerfung propre à la psychose se distingue de l’expulsion primaire du fait des signifiants spécifiques sur lesquelles elle porte : elle suppose le manque d’un signifiant primordial, « soutien de l’armature symbolique »[8]. Ce signifiant spécifique, c’est celui du père symbolique que Lacan définit comme « signifiant de l’Autre en tant que lieu de la loi »[9].
Maleval revient ensuite sur la conséquence évidente de la forclusion du NDP : il n’y a aucun effet de métaphore, aucune substitution, au signifiant du désir de la mère. C’est pourtant bien la fonction paternelle qui érige une barrière à la jouissance du rapport mère-enfant. Le signifiant phallique n’opère pas et ainsi, le désir de l’Autre peut apparaitre « comme volonté de jouissance sans limite »[10]. La spécificité du psychotique est celle d’être confronté en permanence au danger d’un grand Autre jouisseur, aux prises avec une jouissance délocalisée Le signifiant phallique donne ainsi la possibilité de localiser la jouissance, de la border donc. C’est ainsi bien la métaphore paternelle, et l’opérativité du phallus comme signifiant, qui commande la chute de l’objet a et opère donc une séparation d’avec l’objet de jouissance.
[1] Guérin, N. Op. cit., p. 23.
[2] Maleval, J.-C. La forclusion du Nom-du-Père. Le concept et sa clinique, Paris, Seuil, 2000, p. 48.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid., p. 58.
[6] Ibid., p. 57.
[7] Ibid., p. 58.
[8] Ibid., p. 60.
[9] Ibid., p. 63.
[10] Ibid., p. 119.