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Fiche de lecture Marcel Czermak "Passions de l’objet – Études psychanalytiques des psychoses"

Quel changement – et plaisir – de passer aux contemporains !

 

J’ai noté d’emblée – ce qui est ailleurs assez rare voire inexistant – la richesse clinique dans les différents articles recensés pour ce tome. Les interprétations ensuite sont ce qu’elles sont mais c’est vraiment très honorable d’avoir dévoilé autant de clinique.

 

En tout début d’ouvrage, avant le premier article, avant même les remerciements, il y a une petite note nommée « Le discours psychanalytique » dans lequel cette formule m’a interpellée : « En quel lieu, alors, traiter le symptôme ? S’il choisit la cure, le sujet peut craindre de se trouve exilé sinon désarmé à terme ; s’il préfère l’action collective, il peut sévir aujourd’hui qu’elle mène au pire ». Ce mot « exilé » vous a-t-il parlé ?

 

Sur quelques points ordinaires de la psychose

 

Je note ceci : « Lacan au eu beau répéter qu’une des différences entre psychothérapie et psychanalyse réside dans le fait que, dans un cas on fait croire que, du Père, il y en a, alors que dans l’autre – dans l’idéal –, on aboutit à constater qu’il n’y en a pas, cette différence n’a eu, pour l’heure, qu’une portée limitée » (p. 20).

Il poursuit : « (…) c’est que la psychanalyse échoue à donner du coruage à qui en manque », courage à entendre comme la « disposition à perdre ce dont on se sustente ».

 

Plus loin, je note que « le psychanalyste fait partie de l’inconscient » et que l’interprétation procède du mot d’esprit : rien de moins mou. » (p. 24).

 

Page 28, dans la liste des éclaircissements qu’il nous livre, je retiens ceci que « le symptôme est fait de structure, ce que ne sont pas l’inhibition et l’angoisse ».

Et cette belle formule : « l’oubli réitéré que, si la psychanalyse et l’art de suspendre les certitudes, c’est pour mieux en trouver et surement pas pour les noyer ou les rendre pâteuses : la douleur d’exister peut être ce qu’il y a de meilleur en l’homme quand il découvre que sa vie n’a d’autres sens que de remettre sans cesse en œuvre le même désir, que ce désir s’inscrit tout bêtement, dérisoirement, dans une batterie dont la combinatoire est close – ce qui est clair pour le Symbolique, mais tout aussi vrai, bien que plus camouflé, pour l’Imaginaire. Notre Imaginaire est limité, même si l’on rêve de donner libre cours à l’invention » (p. 28).

Je note d’ailleurs que Czermak met des majuscules aux trois registres.

 

Aussi, à propos des voix du dehors, « écho de notre voix du dedans », je note : « Analytiquement, chacun est toujours responsable de son inconscient, quand bien même l’inconscient serait le discours de l’Autre : c’est là l’une des apories de la psychanalyse. Sans cet axiome de départ, il n’y a pas de psychanalyse possible. » (p. 30).

 

Concernant le pervers, dont il sera aussi beaucoup question dans cet ouvrage destiné plutot à la psychose : « le désir pervers se supporte d’un idéal d’objet inanimé, raison du nombre de pervers dans la pédagogie » (p. 31). En l’écrivant, je me fais la réflexion que « désir pervers » ne concerne peut-être pas seulement l’être de structure perverse…

 

 

Le mouvement psychanalytique et l’Association freudienne

 

Une question de Czermak concernant la direction de la cure : « se pourrait-il que, en tant qu’analyste, on ait une responsabilité qui nous engage ? » (p. 36). Il me semble clairement que oui ! Un peu après, il ajoute ceci : « chacun sait, actuellement, de l’enseignement de Lacan, que le psychanalyste se repère davantage sur son manque à être que sur son être » (p. 37).

 

Czermak rapporte ce que Lacan appelait « le déclin de l’image paternelle, puis après, le déclin du Nom-du-Père » que ce dernier mettait en lien avec la naissance de la psychanalyse, « comme tentative de restauration de ce qui fonde la parole en train de se dégrader » (p. 44).

 

Savoir défaire

 

Czermak revient sur l’échec de certaines cures qui se heurtent à l’impasse du complexe de castration. Son développement est sans appel : « A quoi tient donc qu’entre des gens de même structure certains puissent aller au-delà du roc de la castration, du penis-neid, tandis que d’autres décideront que tout est bien ainsi et que, au fond, ayant mené leur analyse, elle ne vaudra que comme surcroît de connaissance sur leur petite personne, sans pour autant qu’elle change quoi que ce soit à l’orientation de leur existence. Ils pourront même user de ce surcroît pour conforter leur trajectoire initiale – que l’analyse a échoué à modifier, et qu’elle vient veritablement blinder. Il y a un temps décisif : celui du face-à-face avec la castration. » (p.50)

 

Il fait ensuite le lien avec l’analyste et la direction de la cure : « Il y a des façons de mener une cure qui, en porteront certains – mais d’autres pas – à se larguer de leur objet, ce qui tient peut-être de ce qui est advenu, pour l’analyste lui-même, de la question de l’acte dans sa relation avec la conjecture analytique. » (p. 51).

Il ajoute que la confrontation au roc de la castration ne suffit pas « à produire ce saut qui ferait que le sujet considéré puisse se déprendre de ce qui l’arrime. Il faut auparavant avoir situé ce qui permet ce désarrimage du sujet d’avec son objet et, du même coup, ce que Lacan appelait la "traversée du fantasme" ». J’ai trouvé cela très à propos après la journée de samedi dernier !

Il évoque ensuite le terme « délocalisation d’un sujet » qui je trouve est assez pertinent (sauf pour sujet) pour la traversée du fantasme, en tant que passer d’une position à autre, de celle d’objet à celle de sujet justement. Egalement le terme désarrimer qui témoigne aussi de la lourdeur de ce qui est à quitter.

 

Aussi : « la traversée du fantasme ne peut être en aucune façon une promesse ou un vœu. Elle ne tient qu’à un acte, ce qui nous conduit sur une autre piste qui est celle de la clinque. En d’autres termes, aucune leçon, aucun exposé sur ce qu’il convient de faire – pratiquement ou techniquement – ne suppléera jamais au franchissement de la castration. Et sans ce franchissement, il n’y a pas de clinique qui puisse tenir » (p. 53).

 

Czermak rappelle aussi cette formule de Lacan selon laquelle la psychanalyse permet de « défaire par la parole ce qui s’est effectué par la parole » (p. 55).

 

Note sur les perversions dans leur rapport à la vie des groupes

 

Czermark évoque que pour l’exhibitionniste, ce dont il se revêt « manifeste l’identification à la mère en tant qu’elle a besoin d’être protégée par une enveloppe (…) Dans cet enveloppement, dans ce qu’il trahit comme voilage d’un Saint des Saints, d’un enclos sacré, on repère que le phallus, c’est dans l’enclos qu’il se trouve. Le transvestisme manifeste que le phallus est derrière le voile, qu’il est enveloppé, empaqueté, voire cadavérisé, dans la personne qui l’incarne » (p. 69-70).

Pour le fétichiste par contre, le phallus « se projette sur le voile ». Et Czermak d’ajouter que « ces deux pôles n’en font qu’un. Ils sont, pour ainsi dire, la seule et même face en bande de Mœbius que parcourt le phallus. Tout pervers se maintient plus ou moins dans cette position mouvante où le phallus est tantôt masqué par le voile, tantôt mis en faction devant ».

Plus loin : « Si le pervers brandit périodiquement le phallus, ou si, dans sa petite fente, il le laisse entrevoir, c’est que, par son savoir, il sait que c’est un leurre, un piège, un miroir aux alouettes et que c’est vous qu’il s’agit de posséder. C’est vous le vrai phallus, s’imagine-t-il, et il arrive même à vous en convaincre si bien que, en vous faisant miroiter le phallus imaginaire, vous croyez l’être. En attendant, au lieu d’être promu à un phallus imaginaire, vous n’êtes ravalé à rien d’autre qu’à un objet » (p. 72).

Il nous rappelle aussi de ne pas concevoir le pervers comme sans angoisse ni souffrance : « l’angoisse le prend quand émerge donc le risque de la castration imaginaire » (p. 73).

Cela ne l’empêche pas, poursuit-il, de « tenter cette castration, au besoin sous la forme de sa propre castration réelle, dans sa démarche pour accéder à la castration symbolique : c’est alors un appel au secours, qui est adressé au père, appel amoureux, d’autant plus que ce père a été inadéquat à sa fonction ».

Ceci je le pensais pour le névrosé, pas encore aussi clairement pour le pervers…

 

Une phrase m’évoque la soumission du Moi aux organisations intramoïques, avant d’être traversé par le désir du A : « Mieux vaut un maître dont on se plaint, à la loi duquel on se plie, que de reconnaître que, cette loi, c’est la sienne propre, invoquée comme étrangère, comme loi autre, autre loi que celle de son désir » (p. 74).

 

Dans le texte d’introduction à cet article, Czermak citant Lacan rappelle que la psychose se déclenche lorsque le Nom-du-Père forclos, « est appelé en opposition symbolique au sujet » (p. 85).

 

Page 90-91, Czermak me fait entendre que ce qui vient à émerger dans l’hallucination, voix et regard, c’est l’objet a. Je ne l’avais pas formulé aussi clairement, mais finalement, ce qui revient dans le Réel pour le symbolique, n’est-ce pas tout simplement l’objet a qui se révèle ?

Plus loin : « l’objet a si bien disparu du Réel que se produit l’hallucination négative » (p. 95).

Czermak évoque dans cet article que l’intervention interprétative du clinicien a eu l’effet de faire disparaître le délire. Sa formule « ne subsistait plus rien du délire » (p. 96) me laisse cependant dubitative. Ce qui se montre à voir n’est pas forcément ce qui est…

 

Précisions sur la clinique du transsexualisme

 

Czermak à nouveau nous rappelle une avancée considérable de l’enseignement de Lacan, le transsexuel pâtit de « prendre un organe pour un signifiant » (p. 108).

Je note, pour l’inscrire clairement dans son contexte, cette phrase précieuse que j’avais relevée pour le manuel : « Ainsi, la différence d'avec le travestissement pervers tient au fait que, pour eux (les psychotiques), il ne s'agit pas de séduire le partenaire pour qu'au dernier moment il s'aperçoive, avec surprise, que sous la robe il y a un pénis à l'érection souhaitée. Ils jouent, dans leur vie publique et sexuelle, franc jeu et font d'emblée état de leur condition : ils ne feintent pas » (p. 111)

 

Czermak indique que le transsexuel nous introduit à la question de l’identification : « devant l’insuffisance d’une identification imaginaire, ils demandent une sanction réelle, dès lors qu’il sont sollicités à leur place » (p. 114). De quelle sanction s’agit-il ?

C’est un « pivotement du désir phallique vers le devoir-être-femme. Le transsexuel n’a guère de pente à vouloir être désiré, même s’il exige d’être nommé femme ».

Czermak évoque ensuite les nombreuses toxicomanies, même chez ceux opérés : « on peut, certes, se débarrasser de l’organe, il est plus difficile de se débrouiller du signifiant » (p. 116). Quelle belle formulation !

 

Plus loin, je trouve une référence à l’Autre non barré très explicite : « A l’épreuve de leur demande au chirurgien, ils soutiennent donc que l’autre est un Autre, non barré, non divisé, et c’est aussi ce qu’ils revendiquent pour eux-mêmes, par division chirurgicale ou médicale » (p. 118).

Aussi : « le transsexuel me semble vouloir se débarrasser de la jouissance phallique, pour entrer dans la jouissance de l’Autre. Ce dont il crève, c’est de réellement faire un, comme bon nombre de toxicomanies dont il fait d’ailleurs souvent partie » (p. 122).

Après avoir affiné cette question de la jouissance Autre par des lectures et définitions, je comprends mieux cette formule. La jouissance phallique est celle qui fait référence au manque. Ainsi le transsexuel rêve de s’en débarrasser. La jouissance Autre, elle, n’est pas en rapport avec le manque. D’où la référence chez Lacan aux mystiques.

 

Pou continuer, Czermak écrit plus loin : « cette femme que le transsexuel veut devenir, qualificatif qu’il attribue à ce qui est doté de la beauté, de l’unité, de la complétude, cette génitrice universelle, ce tout en un, cette femme-là se présente comme LA femme, soit l’un des Noms-du-Père, ce qui nous convainc du caractère d’excellence psychotique de ce avec quoi nous avons affaire » (p. 124). Je n’avais jamais considéré la thématique même d’un délire comme Noms-du-Père, que j’entends comme une suppléance, comme ce qui permet, bon an mal an, au psychotique de tenir bon. Et vous ? Pourtant, cela rejoint l’idée freudienne selon laquelle le délire est une tentative de guérison. Cependant, si le Nom-du-Père n’est pas advenu dans la psychose, je ne pensais pas qu’il serait envisageable de réemployer le terme pour nommer ce qui vient y suppléer…

 

Il ajoute ensuite : « Qu’est-ce qui a déclenché la psychose là où, auparavant, elle ne se déclenchait pas ? (…) Lorsque la psychose se déclenche c’est un père réel qui s’absente, un père sans résonance, sans permanence symbolique chez la patiente, un père qui est juste une surface, une limite, celle du miroir qui fait écran, frontière, poste frontière entre elle en tant qu’image et son image virtuelle. C’est juste une suppléance. Il permet la prothèse par l’instauration d’un cadre, d’un cadrage, d’une fenêtre. Que la suppléance du Nom-du-Père s’absente et c’est alors que le père réel – par défaut, disparition – prend véritablement son caractère de Réel, d’un père réel, par la privation qu’il instaure qui n’est nullement manque symbolique. C’est alors seulement qu’il revient frapper brutalement au lieu du trou dans le Symbolique, et qu’éclate le miroir irrémédiablement. » (p. 152)

C’est alors qu’apparait la « jouissance sans limite de la psychose ».

 

Sur un problème de nosographie des psychoses

 

En avant-propos de cet article, je suis interloqué par cette proposition de Czermak : « là où l’on supposerait que le moi subsume tout l’imaginaire, on peut y découvrir un imaginaire sans moi » (p. 173). Sans Moi ?! En voilà une surprise ! Un être sans Moi ?

Il précise, « certaines psychose seraient faites d’un Imaginaire sans moi » (p. 175). Czermak nous invite à ne pas confondre l’Imaginaire comme registre avec le Moi, « fourre-tout d’identifications imaginaires » (p. 176). Certes. Puis il pose lui-même la question d’un sujet sans Moi, sans y répondre vraiment… cela reste très énigmatique pour moi. Qu’en avez-vous saisi ?

 

Signification psychanalytique d’un syndrome de Cotard

 

J’ai trouvé les données cliniques quant à ces cas formidables et d’une richesse immense, même si ce ne sont pas des cures psychanalytiques classiques en cabinet. A propos des plaintes de ces patients, de type « je n’ai pas de bouche », Czermak nous fait remarquer qu’il ne s’agit pas d’une dénégation mais d’une affirmation sur le mode de la négation (p. 201).

Allant jusqu’à la demande d’achèvement, Czermak nous indique que la fonction, c’est de « créer le manque » : « il fallait, en somme, qu’elle manque en tant qu’objet pour que la vie ait un sens. En d’autres termes, elle s’identifiait à l’objet » (p. 207). Lumineux !

Il ajoute plus loin : « Être soi-même objet a c’est perdre toute possibilité de deuil, c’est perdre l’objet même du deuil » (p. 211).

Mais encore : « L’existence ne tire sa semblance que d’un manque. Quand ce manque est absent, c’est le sujet qui s’éjecte, ek-siste réellement, pour réaliser le manque. » (p. 214)

 

Remarques sur « A propos de l’impression d’être immortel »

 

Czermak évoque le pousse-à-la-femme des psychoses et ce que Lacan nous enseigna : « faute d’être le phallus qui manque à la mère reste la solution d’être la femme qui manque à tous les hommes » (p. 247).

Il évoque à nouveau l’éviration comme tentative de rechercher le manque mais faute d’être pris dans le Symbolique, ça passe par le Réel.

 

De l’hypocondrie ou « Madame mal à la »

 

Je note cette citation de Lacan qui m’a échappé (séminaire L’identification) : « Le névrosé c’est le normal en tant que pour lui l’Autre a toute l’importance. Le pervers, c’est le normal en tant que pour lui le phallus… a toute l’importance. Pour le psychotique, le corps propre a toute l’importance » (p. 268)

 

En fin d’ouvrage, p. 343, je note ceci que pour le névrosé, la chute de l’objet a fait naître S alors que pour le psychotique, « l’objet a est incarcéré dans le langage, le désorganise, désarrimant les maillons de la chaîne et abolissant toute différence ».

 

A propos de la lettre de Elie Hirsch, je ne sais qu’en dire… Si ce n’est qu’il y a sûrement une perte à admettre du passage de l’oral à l’écrit et que certes, le texte n’est pas tout à fait fidèle aux dires de Lacan. Il n’en reste pas moins que c’est un choix – même s’il peut se contester – de celui qui a pris la charge de les publier, pour nous tous. Le choix lui revient.

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