La structure du sujet
Ce fut à nouveau un plaisir de lire cette seconde partie du livre de J. Dor, bien que ce fut pour moi tout de même encore assez obscur au niveau de la topologie lacanniene (bande de Moëbius, cross-crap, tore).
Le début de cette partie insiste beaucoup encore sur la dépendance du sujet vis-à-vis de l’ordre signifiant. Je note les formules suivantes (p. 273) :
J’ai aimé cette formule de Lacan de 1953 rendant hommage à l’œuvre de Freud : « il n’y a pas de prise plus totale de la réalité humaine que celle qui est faite par l’expérience freudienne » (p. 279).
Et il ajoute « la séparation irréductible avec l’objet du désir par la médiation du fantasme », pourrait-on revenir là-dessus ?
La dialectique œdipienne
Ensuite, il est question de l’aliénation du bébé au désir de la mère, « puisqu’il est nommément identifié à son phallus. (Identifié par qui ? L’enfant ou la mère ?) Nous observons cette aliénation typique que représente l’identification phallique au niveau de l’expérience du stade du miroir » (p. 282). L’expérience du stade du miroir est-elle celle de l’identification phallique ? J’avais cru comprendre qu’il s’agissait plutôt d’un moment de différenciation d’avec le corps de la mère…
J’ai trouvé tout à fait éclairant ce que nous dit l’auteur quant au fait que cette identification imaginaire au phallus (chez l’enfant) suppose une mère manquante. Il est donc impropre de parler de symbiose car l’indistinction fusionnelle n’est possible que du fait d’un « tiers terme : le manque et l’existence imaginaire d’un objet susceptible de la combler : le phallus. En conséquence, c’est donc bien l’objet du manque comme tel, qui appelle et nourrit la dynamique de la relation fusionnelle » (p. 282). C’est ce triangle mère-enfant-phallus qui représente l’espace même du registre imaginaire et qui est la cellule de base du schéma R. en s’identifiant au phallus, à l’objet du désir de la mère, « le désir de l’enfant se réalise déjà comme désir de désir. La structuration dynamique du désir du sujet comme désir de l’Autre trouve ainsi son point d’ancrage dans ce processus originaire d’identification au phallus imaginaire » (p. 283).
L’auteur ajoute que c’est lorsque cette signification symbolique de la dépendance maternelle tourne à la parodie que se joue la structuration psychique de l’enfant, Lacan y repérant le point d’ancrage des perversions où l’enfant se fixe « au lieu de jouissance de la rivalité phallique » (p. 287).
Et d’ajouter que la mère a à signifier à l’enfant clairement sa dépendance désirante vis-à-vis du père mais aussi le père doit se poser comme celui « qui fait la loi à la mère » (p. 286).
C’est l’incursion du registre symbolique qui va permettre à l‘enfant d’entrer dans le registre de l’avoir, ce qui suppose qu’il a renoncé à être le phallus, soit à s’identifier à l’objet du désir de la mère. Ainsi l’enfant, nous dit l’auteur, « se propose de passer sous les fourches caudines de la castration » (p. 287). Il passe de la positon d’assujet à celle de sujet désirant, j’entends donc désirant ailleurs qu’au lieu du désir de la mère.
Le modèle est merveilleux de limpidité, mais pour reprendre la question de notre dernière rencontre, qu’en est-il alors du névrosé qui n’accepte pas si totalement cette castration et ne renonce pas vraiment à être la phallus maternel… ? S’agit-il d’un reste de jouissance ?
La psychose
J’ai trouvé tout à fait géniale cette formulation selon laquelle le paranoïaque s’efforce de symboliser l’imaginaire (envahi par l’imaginaire, coupé du symbolique) et n’y parvenant pas, « il fait sens avec tout » (p. 298). Le schizophrène lui « s’essaye à imaginariser le symbolique, étant « captif d’une communication qui est en prise directe avec le grand Autre » (p. 300), « toute relation à l’autre est vécue dans une absence totale d’identification imaginaire. En quelque sorte, il est privé de moi ».
Concernant les remarques de Nasio, cela m’a éclairé de lire le Nom-du-Père comme une fonction où d’une part est à repérer la dynamique de la substitution désignée comme métaphore paternelle et d’autre part, « la place à laquelle apparaitra n’importe quel autre signifiant issu de cette substitution » (p. 302). Ainsi forclusion du Nom-du-Père ne veut pas dire que le signifiant Nom-du-Père ait été rejeté mis « qu’un « signifiant quelconque » n’est pas venu répondre à l’appel à tel moment précis » (p. 303). Ce n’est donc pas Le signifiant Nom-du-Père qui est forclos mais le « mouvement qui doit l’y installer » (le quelconque signifiant). Je trouve cette distinction essentielle.
Moi idéal, Idéal du moi, Surmoi
J’ai trouvé cette clarification intéressante, il était tout à fait confus pour moi de les distinguer Moi idéal et Idéal du Moi. Je retiens que l’Idéal du Moi est une instance d’origine essentiellement narcissique issue des « inflation infantiles du Moi » (p. 307). Le Surmoi et l’Idéal du Moi ne seraient pas isomorphes, le premier serait responsable du sentiment de culpabilité et le second du sentiment d’infériorité. Quant au moi idéal, il renverrait à une identification primaire à un autre être investi de la toute-puissance, la mère.
Plus loin, une citation de G. Taillandier m’intrigue, concernant l’angoisse : « pour que l’angoisse apparaisse, il faut que, à cette place marqué (- φ) dans i’(a), apparaisse quelque chose à la place du manque ; en sorte que le manque vienne à manquer ; c’est dans ce « défaut de l’appui du manque » (et non dans le manque) que surgit l’angoisse de castration » (p. 326). Vous vous en doutez, cette formule m’interpelle au plus haut point ! Pouvez-vous m’éclairer mesdames sur ce que vous entendez par « défaut de l’appui du manque » d’où surgit l’angoisse de castration ??