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Fiche de lecture de l'oeuvre de S. Freud : Tome X, Le cas Schreber (1911)

Fiche de lecture S. Freud  : Tome X

 

Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa décrit sous forme autobiographique

 

Cette œuvre de Sigmund Freud est une étude d'un cas de paranoïa, celui du président Schreber, d'après les "Mémoires d'un névropathe" que ce dernier a lui-même écrit. Il ne s'agit en effet pas là d'un cas que Freud a lui-même traité mais d'un exposé de sa théorie concernant la paranoïa à la lueur de ce qu'à pu en écrire celui-là même qui en souffrait.

 

Freud relate l'histoire de la maladie de Schreber et reprend par point par point les différents éléments constitutifs de l'affection paranoïaque.

 

Le président Schreber a connu deux épisodes d'affection de  « maladie des nerfs » avant de développer plus précisément ses symptômes paranoïaques. Ces deux occasions ont été provoquées, selon le malade, par des « surmenages de l'esprit ». Lors de la première affection, son symptôme majeur était l'hypocondrie. Puis à la suite d'un rêve, lui vint l'idée « que, tout de même, cela ne pouvait qu'être vraiment fort beau d'être une femme qui est soumise à la copulation » (p234).  Lors de sa deuxième affection, il souffrait d'idées de persécution, d'illusions, d'hallucinations. Malgré sa construction délirante, « il se considérait comme appelé à rédimer le monde et à lui apporter de nouveau la béatitude perdue. Mais cela, il ne le pouvait que s'il était auparavant transformé d'homme en femme » (p237), son intelligence et ses capacités intellectuelles étaient intactes.

 

Les deux points majeurs du délire sont le rôle de rédempteur et la transformation en femme. Si les médecins affirmaient que « l'ambition de jouer le rédempteur est l'élément pulsant de ce complexe délirant » (p239), et que l'émasculation n'en est qu'un moyen, Freud n'est pas d'accord. Selon lui, la transformation en une femme est le délire primaire et n'entre que secondairement en relation avec le rôle de rédempteur. « Un délire de persécution sexuel s'est chez le patient remodelé après coup en délire des grandeurs religieux » (p240). En effet, Schreber a l'idée « qu'il est, chose établie pour lui, l'objet exclusif de miracles divins, et par là le plus remarquable être humain qui ait jamais vécu sur terre » (p238).

 

Plus loin Freud affirme que « le délire de transformation en une femme n'est rien d'autre que la réalisation de ce contenu de rêve » (p256) fait lors de sa première affection (cela ne pouvait qu'être vraiment fort beau d'être une femme qui est soumise à la copulation).

 

Le président Schreber s'est tout d'abord rebellé contre cette idée, « considérant la transformation en femme comme un opprobre qui devait lui être infligé dans une visée hostile » (p256). Puis il s'est réconcilié avec cette idée en la mettant en liaison avec des visées supérieures de Dieu.

 

« Le fait que l'émasculation dont il était menacé soit une fin conforme à l'ordre du monde repousse en arrière tout l'opprobre de celle-là » (p260). Ainsi les persécutions deviennent plus supportables.

 

Le Prof. Fleschig, puis Dieu sont considérés comme les persécuteurs et investigateurs du complot contre le président Schreber. Selon Freud, « l'être à présent haï et redouté à cause de sa persécution est un être qui fut autrefois aimé et vénéré. La persécution postulée par le délire sert avant tout à justifier la transformation de sentiments chez le malade » (p263).

 

Le président Schreber avait été soigné lors de sa 1ère affection par le prof Fleschig dont il garda un excellent souvenir et une « vive reconnaissance » (p264). Freud met en lien d'une part les rêves de Schreber figurant un retour de sa maladie des nerfs et, d'autre part, l'idée que cela pouvait être beau d'être une femme soumise à la copulation et suppose donc que « la position féminine de fantaisie s'adressait dès le début au médecin » (p265). Et de confirmer « une avancée de libido homosexuelle fut donc la circonstance occasionnante de cette affection, l'objet de cette libido fut vraisemblablement dès le début le médecin Fleschig, et la rébellion contre cette motion libidinale engendra le conflit d'où jaillirent les manifestations de la maladie » (p265).

 

Ainsi l'éruption d'une motion homosexuelle est à la base de l'entrée en maladie. Le délire paranoïaque serait une solution trouvée par le malade pour supporter et masquer ses pulsions homosexuelles. Cette désirance pour le médecin est en fait celle de Schreber pour son père et son frère. La pulsion érotique pour son frère serait projeté sur le médecin, celle du père sur dieu.

 

Selon Freud, « la paranoïa décompose, de même que l'hystérie condense ».

 

Freud fait également le lien entre le père de Schreber, perturbateur de la satisfaction masturbation de l'enfant Schreber, faisant naitre l'angoisse de castration. Cette menace de castration a fourni le matériau à la fantaisie de souhait de transformation en une femme.

 

La tache du psychanalyste est selon Freud, de « mettre en corrélation le surgissement d'une fantaisie de souhait avec un refusent, une privation dans la vie réelle » (p279). Cette privation chez Schreber correspond à un mariage malheureux, du fait de l'absence d'enfant issu de son couple. Son délire selon lequel le monde serait peuplé de « nouveaux humains nés de l'esprit schreberien » serait également destiné à remédier à cette privation.

 

Ainsi la maladie de Schreber serait dominé par le complexe paternel et la fantaisie de souhait. Cela n'est pas propre à la paranoïa mais se retrouve dans d'autres cas de névrose. La particularité de la paranoïa « réside en ceci que, pour se défendre contre une fantaisie de souhait homosexuelle, on réagit précisément par un délire de persécution ».

Freud évoque ensuite le stade du narcissisme, situé entre l'autoérotisme et le choix d'objet d'amour externe, qui correspond à la phase où l'enfant prendre son propre corps pour objet d'amour. Certains y restent fixés plus longtemps, ce qui pourra les conduire par la suite à prendre pour objet quelqu'un du même sexe qu'eux. Ainsi Freud postule que « ceux qui plus tard seront des homosexuels manifestes ne se sont jamais libérés de l'exigence que l'objet ait des organes génitaux identiques aux leurs propres » (p283).

 

Tout stade de développement de la psychosexualité fournit, selon l'auteur, une possibilité de fixation pouvant agir comme disposition à la maladie. Ces personnes restées fixées peuvent par la suite connaître un « déferlement de libido, qui ne trouve pas d'autre écoulement, soumette leurs sublimations sociales à la sexualisation et par là défasse leurs sublimations acquises dans le développement » (p284). Ainsi peut se produire une régression de la libido. Les paranoïaques cherchant à se défendre d'une telle « sexualisation de leurs investissement pulsionnels sociaux », l'auteur postule que « le point faible de leur développement est à chercher dans la partie située entre auto-érotisme, narcissisme et homosexualité » (p284).

 

Mais la réelle avancée que fait Freud sur le délire paranoïaque sera autour de l'analyse du « Il me hait ». Il part de cette formule récurrente dans la paranoïa pour en déduire toute la trame inconsciente qui la soutient. Ainsi « Il me hait » (désignation du persécuteur) devient la projection de « je le hais », « je le hais parce qu'il me persécute ». Mais Freud va plus loin en rapportant à cela l'homosexualité refoulée. Donc le "je le hais" serait le retour d'un refoulé de " Il m'aime", et poursuivons la logique énoncée plus haut, c'est de "je l'aime" qu'il s'agit donc au fond. Cette analyse sémantique de la fantaisie de souhait homosexuelle pourrait résumer l'interprétation freudienne de la paranoïa.

 

Deux autres facteurs caractérisent cette forme d'affection : le mécanisme de la formation de symptôme et celui du refoulement. La formation de symptôme dans la paranoïa s'effectue par projection. Une « perception interne est réprimée et, comme substitut de celle-ci, son contenu arrive à la conscience en tant que perception venant de l'extérieur, après avoir connu une certaine déformation » (p288). Dans le délire de persécution, ce qui est déformé est l'affect. L'affect d'amour éprouvé intérieurement est perçu de l'extérieur comme de la haine. Cependant Freud affirme que ce mécanise n'est pas propre à la paranoïa et qu'il faudra comprendre bien plus encore le mécanisme de la formation de symptôme dans la paranoïa.

 

Concernant le mécanisme du refoulement, il est « beaucoup plus intime avec l'histoire de développement de la libido » que le mode de formation de symptôme (p289).

 

Le précurseur du refoulement est une fixation, définie ainsi : « une pulsion ou un élément pulsionnel n'accompagne pas le développement prévu comme normal, et par suite de cette inhibition de développement, demeure à un stade plus infantile » (p289). La deuxième phase du refoulement est le refoulement proprement dit. « Sont soumis au refoulement, ou bien les rejetons psychiques de ces pulsions primitivement restées en arrière […] ou bien des tendances psychiques contre lesquelles s'élève pour d'autres raisons une forte aversion » (p290). La troisième phase est celle de l'échec du refoulement, le retour du refoulé, significatif pour les phénomènes pathologiques. « Cette percée s'effectue à partir du point de fixation et a pour contenu une régression du développement de la libido jusqu'à ce point » (p291). Cette percée conditionnera la formation du symptôme.

 

Ainsi le mécanisme du refoulement et de la formation du symptôme caractérisent le choix de la névrose.

 

Dans la paranoïa, la production de la maladie (la formation délirante) est en réalité la tentative de guérison, de reconstruction (p294).

 

Le processus de refoulement consiste en un détachement de la libido d'avec des personnes et des choses auparavant aimées. Ce mécanisme est essentiel de chaque refoulement. Si dans l'hystérie le montant de libido libéré se transforme en innervations corporelles ou en angoisse, dans la paranoïa il est utilisé pour l' « agrandissement du moi » (délire de grandeur).

 

Ainsi Freud pose les éléments caractéristiques de la paranoïa :

 

- la fixation au niveau du narcissisme

 

- l'homosexualité est refoulée et est la cause occasionnante de la pathologie.

 

- la régression s'étend de cette homosexualité refoulée jusqu'au narcissisme, régression de la libido sur le moi qui forme les symptômes de la paranoïa : délire de grandeur et délire persécution.

 

- La défense projective contre le retour du refoulé est la projection : attribution à l'extérieur d'affect ou représentations inconscients insupportable pour le malade. 

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