Du phallus imaginaire au phallus symbolique

 

Argumentaire

 

 

Pour trouver un axe pour vous parler ce soir, j’ai repris le fil des quelques notes que j’ai prises depuis que je participe à ces réunions à Place analytique, depuis janvier dernier donc. Je voulais d’ailleurs remercier Carlos Guevara de m’y avoir conviée, ainsi que Jean-Thibaut Fouletier et Andrea Dell’Uomo pour leur accueil.

En fait, le thème de l’année « Restes de transfert » m’a en quelque sorte accompagnée tout au long de cette année et je souhaitais reprendre certains points soulevés lors des dernières réunions, vous partager les échos qui me sont venus en après-coup et aussi, vous proposer une petite balade au fil des lectures qui ont compté pour moi cette année, en résonance avec les réunions de Place analytique. Tout ça s’est un peu tissé ensemble et j’ai tenté une articulation pour ce soir, sur différents points.

 

Déjà, un mot sur ma venue ici. Pour le dire très rapidement, je recherchais un lieu de discussion, clinique et théorique, qui soit un à côté, autre que celui dans lequel j’ai fait ma formation à la psychanalyse. Il y a eu un tournant pour moi dans mon parcours, une prise en compte qu’une École de psychanalyse en quelque sorte ne pouvait suffire à nourrir ma réflexion. Il m’a semblé nécessaire de ne pas m’enfermer dans un huis clos, de découvrir autre chose, d’autres lieux, en parallèle, en complément de tout ce qui par ailleurs, peut faire la richesse d’une École de psychanalyse. Je le mentionne parce que ce n’est pas sans lien avec le transfert, ce qui se passe dans les Écoles ou associations de psychanalyse. Il serait intéressant d’y questionner en effet les transferts en jeu et ce que ça dit d’une traversée psychanalytique. La puissance du transfert a lieu dans la cure mais aussi n’importe où le rapport à l’autre et à l’Autre est convoqué. Je le pense même au niveau de notre rapport à l’enseignement psychanalytique, l’usage que nous faisons parfois des phrases, des mots, des graphes, de Sigmund Freud et surtout de Jacques Lacan (son style abscons s’y prête). Le dogmatisme n’est franchement pas loin à bien des moments dans l’histoire de notre discipline. Ce n’est pas à négliger quand nous parlons de transfert.

 

Précisons que le transfert qui a lieu entre psychanalystes, ce n’est pas la même chose qu’un transfert d’un patient au psychanalyste. Le transfert, dans une cure, il est avant tout œdipien. Le transfert œdipien, celui qui s’actualise précisément dans une psychanalyse, à mon avis il se règle, il se traverse, il se dépasse. Mais je vais poser la question très clairement, est-ce que l’œdipe se règle ? Définitivement ? Dans une cure j’entends. Si oui, comment pouvons-nous interpréter, autrement que comme des restes de transfert, ce que nous voyons parfois de façon très éloquente dans l’histoire de la psychanalyse, de ses écoles, des relations d’amour et de haine, de relation au maître, de rivalités presque fraternelles entre les membres pour qui sera le chouchou du maître ? Ceux qui se revendiquent les préférés de Lacan, les compagnons d’aventures et j’en passe. Il y a aussi les questions de témoignages de cure, de passe, qui s’orientent différemment selon les Écoles et qui collent parfois, grossièrement ou non, à ce qui est attendu. Où est le vrai là-dedans ? Et du vrai, y en a-t-il tout simplement ? L’affaire est complexe et les enjeux de transfert pas négligeables. Peut-on tirer des conclusions en tant qu’observateur ? Sûrement que non, chacun doit régler ce qui lui appartient, ses propres restes de transfert, sur le divan qui l’accueille.

 

Du transfert œdipien, il peut y en avoir des restes évidemment. Je crois qu’il ne faut pas se leurrer, une psychanalyse ne vient pas anéantir le rapport de l’être à son imaginaire, à son expérience œdipienne, à son infantile. La psychanalyse propose par contre, par une mise au travail certaine, de construire un tout autre rapport de l’être avec ce qui le conditionne : son aliénation, sa castration, sa division. Dans tous les cas, le sujet évoluera toujours dans une sphère très limitée qui est celle d’un nouage entre le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire. L’Imaginaire et le Moi ne sont pas équivalents. Le Moi est l’instance qui sert l’Imaginaire par excellence. Et pourtant le Moi, cette instance profondément, structurellement aliénée, et aliénante, c’est ce par quoi nous lisons le monde, nous ne pouvons pas le réduire à néant. Une cure bien ficelée peut néanmoins nettement l’amoindrir, l’assécher, le rendre indésirable pour l’être qui s’en trouvera moins dupe, moins séduit, moins fasciné.