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La folie du mois d’août !

Cela fait quelques étés maintenant que je me rends compte d’une chose intéressante dans ma clinique qui m'inspire cette brève aujourd’hui.

J’ai remarqué, en effet, que le mois d’août est propice à une clinique intéressante, particulière, à l’occasion de deux facteurs : certains cliniciens (psychanalystes, psychiatres ou psychologues) s’absentent le mois complet, voire juillet et août, laissant leurs patients « à l’abandon » (je cite là les patients eux-mêmes concernés par l’affaire), ou en tout cas en suspens durant de longues semaines ; la configuration elle-même du mois d’aout qui changent les habitudes de la vie parisienne et de ses habitants.

Le clinicien resté au travail reçoit alors les appels, et notamment davantage d’appel de sujets de structure psychotique qui sont nombreux à prendre rendez-vous, je dirai même à prendre rendez-vous d’urgence en ce mois d’été.

La consultation avec le psychotique n’est pas une chose rare pour le clinicien en libéral, j’entends le clinicien qui exerce la psychanalyse dans la Cité, pour le tout-venant, même si d’aucuns pensent toujours que la psychose n’est pas la bienvenue dans le cabinet du psychanalyste. Nous savons, depuis et grâce à Jacques Lacan, qu’au contraire, elle y est invitée et c’est même une invitée d’honneur tant la clinique avec le psychotique est riche d’enseignement, pour le malade et le clinicien !

Ainsi, cet été fut pour moi l’occasion de repérer et de confirmer ce qui attisait ma curiosité depuis quelques années déjà, à savoir que ce mois d’août, si particulier à Paris, soulève des angoisses massives chez certains sujets, et d’autant plus chez le sujet psychotique. « Pourquoi ? » me demandais-je alors.

Plusieurs hypothèses me sont apparues, grâce au discours des dits-patients. Premièrement, l’atmosphère de la ville en elle-même et des vacances d’été des parisiens qui occasionnent une rupture dans le quotidien de tout un chacun. Nous savons tous que Paris, au mois d’août, est particulièrement différente du reste de l’année. La ville est remarquablement calme, vidée de ses habitants, du bruit, des voitures et autre brouhaha quotidien de la capitale tout au long de l’année. Il semble que pour le psychotique, cela occasionne non pas un soulagement, tel que peut le formuler le névrosé qui lui, apprécie ce calme soudain, mais réveille plutôt une angoisse, cette angoisse si particulière du psychotique, angoisse d’anéantissement, du vide, du rien.

La deuxième raison que je relève, est celle non pas du changement d’atmosphère de la ville mais le changement du rythme même de la personne en question lorsqu’arrivent ces congés. Ainsi l’être lâche, même momentanément, son activité professionnelle, ses habitudes, son quotidien qui, j’ai tout lieu de le penser, devait constituer pour lui un cadre suffisamment structurant pour apaiser l’angoisse de morcellement sous-jacente. Autrement dit, ce qui permettait de tenir bon ne tient plus, et l’angoisse déborde le moi.

C’est ainsi que j’ai reçu, le mois dernier, une patiente, Mme C., tout à fait paniquée et demandant à me rencontrer d’urgence (ce que je fis l’après-midi même). Elle put m’expliquer comment son angoisse la submergea au moment même de ses congés, dans un moment de détente, de calme, un moment de ne rien faire. Le problème est bien là pour le sujet psychotique qui a bien du mal à trouver sa béquille, celle qui lui permet de vivre debout sans trop de mal.

Nous connaissons déjà chez le névrosé, du moins certains, quelque chose de particulier lorsque les vacances arrivent, c’est-à-dire ce moyen qu’il a, ou qu’il prend, une fois de plus, de se saboter et de ruiner ces accès au plaisir. Ainsi certains se cassent la jambe avant de partir en congés, d’autres tombent malade avant ou pendant leurs vacances et restent cloués au lit. Nous voyons ici à l’œuvre la résistance du surmoi, repérée par Freud et mise en lumière par Fernando de Amorim, pour s’empêcher de profiter, de prendre du plaisir, voire de se punir. Chez le psychotique, ici, cela n’est pas tout à fait la même chose. Il semble que la rupture d’avec le quotidien rythmé, qui de toute évidence soutient la structure psychotique, entraine un bouleversement parfois trop brusque qui soulève des angoisses massives structurelles, insupportables pour le sujet souffrant.

De là l’importance que des cliniciens formés et engagés dans leur clinique puissent recevoir au plus vite ces sujets qui nous appellent pour les aider à s’apaiser et retrouver le calme nécessaire à la poursuite de leur existence. C’est ce que propose le dispositif du RPH où une dizaine de cliniciens sont présents durant tout l’été, à la disposition immédiate de ceux qui souhaitent rencontrer un psychothérapeute ou psychanalyste pour parler ce qui les fait souffrir.

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